J'aurais voulu être un autiste

J'aurais voulu être un autiste

Lettre ouverte aux dirigeants de Bibus (6/07/2025)

Mesdames et messieurs,

 

Je vous écris sur les conseils de ma psychologue. Je suis autiste et usager du service de transport à la demande à destination des personnes en situation de handicap, Accemo : j’avais réservé un aller-retour pour la piscine Recouvrance le 6 juin, or il m’a été annoncé la veille que le retour ne serait pas assuré pour cause de grève : c’était déjà contrariant car, comme pour la plupart des autistes, gérer les imprévus m’est difficile et peut me donner des crises. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit car il m’a aussi été annoncé, sur un ton peu respectueux de surcroît, qu’à cause de l’annulation forcée du retour, l’aller était lui aussi supprimé sans que j’aie été consulté. Ma psychologue en est indignée : ce trajet devait me permettre d’assister à l’avant-dernier cours de natation de l’année, il aurait été regrettable que je le rate, nager est nécessaire à mon équilibre. J’aurais pu avoir besoin d’être véhiculé pour une raison encore plus vitale : vos agents font de leur mieux en temps de grève, ça ne leur donne pas le droit de disposer de mon emploi du temps.

 

Ce n’est pas tout : cette annonce m’ayant causé une crise autistique, je n’ai pu réprimer un hurlement de colère au téléphone… Et votre agent m’a raccroché au nez. Oui, vous avez bien lu : IL A RACCROCHÉ AU NEZ D’UNE PERSONNE HANDICAPÉE EN DÉTRESSE ! J’ai finalement pris le tram pour aller à la piscine, malgré la difficulté que ça représente pour moi, et pour rentrer, un ami a accepté de me voiturer, ce qui achève de ne vous laisser aucune excuse.

 

J’en profite pour signaler un vice majeur d’Accemo : tout se fait par téléphone. Communiquer par ce biais me stresse affreusement, entendre parler quelqu’un que je ne peux pas voir m’a toujours angoissé. Je ne pense pas être la seule personne avec autisme à avoir ce problème et je ne comprends pas pourquoi on ne peut pas réserver en ligne alors que vous multipliez les annonces pour des services sur Internet moins fondamentaux que la mobilité des handicapés.

 

Donc, le 5 juin, j’ai pris, en pleine crise, un taxi réservé via Accemo pour voir ma psychologue. Je conviens que ma conduite ait pu mécontenter le chauffeur, motivant l’appel téléphonique (encore un !) du 13 juin m’avertissant que j’encourais des sanctions si j’oubliais à nouveau de dire « bonjour », « merci » et « au revoir » au conducteur. Je passe sur l’infantilisation dont j’ai fait l’objet avec ces remontrances alors que les incivilités se multiplient dans les bus dans l’indifférence quasi-générale ; je ne m'étendrai pas non plus sur le reproche qui m'a été fait d’avoir claqué la porte du taxi : le public sera ravi d’apprendre que Bibus juge le matériel plus important que le bien-être des humains… Toujours est-il qu'en me menaçant de m’exclure à cause d’une crise autistique, vous me reprochez ce que vous avez provoqué et, surtout, si vous mettiez votre menace à exécution, vous me sanctionneriez POUR LA RAISON MÊME pour laquelle j’ai recours à Accemo ! C’est bien parce que je peux avoir ces crises, moins graves en compagnie d’une seule personne qu’en public, que j’ai besoin de ce service : priver un handicapé d’un service vital à cause de ce qui le lui rend vital, c’est votre vision de l’inclusion ?

 

Je ne me cherche pas des excuses à tout prix, j’essaie seulement de vous faire comprendre que ce qui s’est passé est une conséquence directe de mon handicap : si ça gène vos agents et les chauffeurs, je ne peux que vous exhorter à les former aux TSA. Commencez déjà par dire à vos conducteurs de cesser de nous tutoyer et de nous appeler par nos prénoms sans nous demander la permission : c’est très intrusif et je doute qu’ils se permettraient cela avec des personnes « valides » !  

 

Veuillez m’excuser le ton sec de cette lettre, mais j’estime que les bornes ont été dépassées. N'ayant pas eu de réponse à une première missive, j'ai donc décidé de porter l'affaire sur la place publique, comme vous le constatez, et j'ose espérer que cela vous décidera à m'adresser des excuses. À bon entendeur, salut. 

 

11-24-JA Psychomotricité (50) - Manon Ripert -Autisme - Différence

 

 



06/07/2025
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